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Changer de regard sur la ville ?
Changer la ville dans son regard ?
mercredi 21 août 2013
« L’idée (…) c’est pas de voir ce que personne ne voit en pensant
ce que tout le monde pense, mais bien au contraire de voir ce que tout le monde voit,
en pensant ce que personne ne pense. » Daniel Mermet
Comment peut-on s’évader de la ville quand son environnement nous devient insupportable ? Cherchons plusieurs solutions d’évasions dans les livres…
Les livres proposés...
Livre par livre
Le village, et surtout la forêt qui l’entoure, offre nourriture et protection aux Gaulois ; cet état de nature est aussi le garant de leur unité et de leur identité. César décide de faire construire le « Domaine des Dieux » tout autour, forçant les Gaulois à entrer dans l’ère moderne et à s’acclimater, s’acculturer en adoptant un mode de vie romain et citadin. La solution gauloise pour échapper à la ville : tenter d’enrayer le progrès en faisant repousser les arbres, puis se comporter comme des sauvages pour faire fuir les Romains, et enfin tout détruire. Dialogue final, entre Astérix et Panoramix : « - Panoramix, notre druide, penses-tu que nous réussirons toujours à enrayer le cours du temps comme nous venons de le faire ? – Non, bien sûr, mais nous avons encore le temps… Tellement de temps… »
++++Banlieue
Le personnage principal est rétif à la vie en ville : années 70 oblige, il rêve d’un retour à la terre. Quand son voisin Marcel Miquelon monte chez lui pour lui demander de faire moins de bruit, il découvre, en lieu et place d’un appartement classique de HLM, un intérieur de maison campagnarde, en pierres, avec une grande tablée et une immense cheminée. Subjugué par ce décor plus vrai que nature, il regarde par la fenêtre et ne voit plus la ville mais un décor de campagne vallonnée, inondée de lune… et apprend que le décor, c’est tout le reste. Si les rêves ne peuvent devenir réalité, la réalité devient un rêve : la ville disparaît réellement dans le regard.
++++Zéfirottes
Si l’imagination peut transformer la ville, appliquons cette recette à Paris : Claude Ponti représente ce qui pourrait se trouver sous le macadam gris de trottoirs, sous les caves et les parkings, sous les égouts et le métro, plus bas encore que les catacombes : le pays des Zéfirottes, avec ses plaines, ses châteaux, ses montagnes et son ciel… Et pourquoi pas ? L’auteur envisage aussi une série de Paris alternatifs, de Paris peut-être, ou auraient-pu-être, ou pourraient-être : Paris sous forme d’une gigantesque tour de verre, Paris envahi par la jungle, Paris aquatique, Paris-Robida, tout de fer et de verre, au ciel constellé d’aéroplanes…
Paris-Robida ?
++++Robida
Albert Robida, graveur du XIXe siècle, publie entre 1883 et 1890 une série de livres d’anticipation plus ou moins parodique, dans la lignée de Jules Verne, où il imagine Paris au XXe siècle. Il ne s’agit plus d’imaginer sans limite : le rêve est issi envisageable, puisque personne ne peut savoir de quoi demain sera fait. À quoi peut bien ressembler la science-fiction de l’époque, l’avenir vu du passé, le futur antérieur somme toute ? Une vision uchronique de Paris, où les innovations de la fin du XIXe siècle se sont développées jusqu’à l’excès : Paris est une ville tentaculaire et verticale, où l’électricité est reine, où les déplacements se font par voie aérienne, où les humains, communiquant par téléphonoscope, ont perdu le rapport avec une nature devenue irrémédiablement polluée… De la fiction, vraiment ?
Livre par livre (2)
Si l’imagination peut nous faire entrevoir autre chose, elle ne résiste pas à la pression de la réalité quotidienne, aux images vues et revues tous les jours dans notre environnement proche. Pourquoi ne pas tenter de voir autre chose sur ce qu’on voit tous les jours ? En couverture de ce livre, que voit-on ? Un A ? De même que la pipe de Magritte n’en est pas une, ceci n’est pas un A. C’est une barrière, un élément morne d’un mobilier urbain qui ne peut avoir que la poésie qu’on lui insuffle. Et tout élément urbain peut devenir une lettre, à travers le filtre de ce Chemin de Randonnée Urbaine alphabétique…
++++Lagaffe
Gaston Lagaffe est connu pour sa capacité à déclencher des catastrophes, mais ce n’est pas le seul aspect du personnage : inventeur loufoque, écologiste activiste, anarchiste anti-productiviste, et aussi poète-détourneur de réalité… Un de ses principaux moulins à vent : le mobilier urbain, notamment les parcmètres, les feux rouges qu’il imagine fonctionnant avec des pommes et des lucioles, les panneaux de sens interdit qu’il recouvre d’affiches vantant le mérite du Journal de Spirou, ou qu’il déguise en sucette géante… Gaston refuse le fatalisme de l’enfermement urbain autant que l’échappée belle vers l’imagination, qui nie la réalité : la ville devient un terrain d’expérimentation, un vivier de potentiel, un champ des possibles…
++++Urbotaniste
Alors, comment changer concrètement la ville dans notre regard ? En réalisant un carnet de voyage, un herbier imaginaire, où chaque élément du quotidien est transformé, détourné, réinterprété : les panneaux, les grues, les lampadaires sont des plantes arbustives ; les capsules de bières, les mégots et les crottes de chien sont des fleurs ; les phares des voitures, des vers luisants ; les scooters, des insectes… Après tout, les objets ne sont que des objets, et si une chose acquiert un sens et une fonction en fonction de la façon dont l’œil humain la voit et dont les cerveau la nomme, ne nous gênons pas, réinterprétons la ville, le quotidien, jouons au alchimistes du réel en accomplissant le Grand Œuvre dont parlait Baudelaire à propos de Paris, en épilogue aux Fleurs du Mal :
Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte
Car j’ai de chaque chose tiré la quintessence
Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or. »